Luc Vandormael,
président de la fédération des CPAS wallons

Entretien 01

Deux obstacles récurrents

La mission de prévention des CPAS est présente dans la loi, mais de manière résiduelle.
Elle est confiée aux CLPS; une partie des CPAS portent les Plans de Cohésion Sociale (en lieu et place des communes). C’est une manière pour les CPAS de favoriser ou d’organiser des actions collectives et de développement communautaire.
Les CPAS peuvent aussi initier une coordination sociale, destinée aux travailleurs sociaux du territoire.
Une telle voie peut être ressentie par l’associatif comme trop centralisatrice; elle peut aussi rendre la mission d’interpellation périlleuse voire impossible pour certains travailleurs sociaux. Le travail en coordination exige une position égalitaire entre tous les participants.
L’implication du secteur de la jeunesse, notamment des comités de prévention, peut être intéressante par rapport à leur droit d’interpellation des autorités publiques.

Deux problèmes devraient être traités.

Le problème des postures professionnelles qui peuvent devenir antagonistes. Une partie des travailleurs sociaux en CPAS, vu l’évolution de la loi, ont embrassé les présupposés de l’État Social Actif et abordent les populations sous l’angle du respect de devoirs pour bénéficier du droit, avec la réalité de sanctions possibles. Cela peut créer un climat de suspicion et, partant, de rupture de liens de confiance. Mais certains travailleurs de CPAS souffrent de cette étiquette normative qui leur est collée. Certaines logiques associatives y opposent les droits inconditionnels des gens. Lorsque les postures sont aussi éloignées, il est difficile d’imaginer des collaborations1.
Celles-ci requièrent une estime réciproque minimale et un socle de valeurs communes. L’existence de sanctions (via le PIIS), de mandat public constituent un obstacle difficile pour les AMO. Les différences locales dans les politiques des CPAS, issues de la liberté communale, en sont une autre.
Il n’y a pas les bons et les mauvais mais des missions différentes qui engendrent des postures différentes, et puis chacun a des valeurs différentes. Pour ne pas que les gens soient pris en otage de ces désaccords, il faut faire l’effort d’évoluer ensemble vers une éthique de discussion pour établir les complémentarités et, partant, une offre de services cohérente sur le territoire. C’est un des challenges pour les coordinations.

Le modèle de collaboration à adopter constitue un deuxième chantier nécessaire. On voit mal comment un modèle aboutissant à une mise sous tutelle (ne serait-ce que ressentie) de l’associatif, pourrait être accepté.
Un modèle de complémentarité et plus horizontal pourrait être facilité par l’existence des chargés de prévention en tant qu’agents publics; on passe en effet de facto d’un modèle à deux actants (public; privé) à un modèle à quatre actants (aide sociale publique; aide sociale associative; agent public de prévention; prévention associative)*.

Note 1: Voir Jean-François Gaspard – «Tenir! Les raisons d’être des travailleurs sociaux» – éd. La Découverte, 2012.

 

*Notes d’analyse